Au delà de l'horizon

Publié le par Cidragon6

Nouvelle écrite à l'occasion du challenge N°2 organisé par Caliope. La musique sur laquelle je me suis inspiré est la numéro 6.

Au delà de l'horizon

Jamais il ne m’avait quitté. Cette fois-ci, je me dirigeais droit vers l’horizon. J’avais encore une fois l’impression de fuir le monde que je connaissais, pour un autre qui m’était totalement inconnu. « Je m’en vais au-delà de l’horizon », m’avait-il dit il y a déjà vingt cinq ans. Il est parti. Mais au fond de moi, il est toujours resté. Ses yeux sont braqués sur moi, encore plus que lors de mes voyages passés. Après avoir terminé mes études dans une prestigieuse école de photographie, je suis parti moi aussi parcourir le monde. Je me demande encore si c’est par passion professionnel ou amoureuse que j’ai quitté tous mes amis, ma famille, mon logement, mon berceau tout entier. Je l’aimais. Pendant un temps je m’en suis demandé la raison, avant de le voir de mes propres yeux. Un avion, l’horizon, un Nikon D3x à la main et la liberté. L’amour des voyages s’associait à l’image que je me faisais de cet homme.

J’ai parcouru le désert, continué en Lybie, en Egypte, au Soudan, en Ethiopie, puis j’ai volé jusqu’en Afrique du Sud, puis l’Amérique du Nord. J’ai beaucoup volé. Des dizaines de millier de kilomètres. Le grand Canyon, la faille de San Andreas, Manhattan, le Mexique, les sept merveilles du monde. J’ai tout vu. L’Asie, surpeuplée, l’immensité des steppes désertes de Russie, les grandes forêts du monde, les monuments ; je n’ai jamais su où il était allé. « Je m’en vais au-delà de l’horizon ». Mon avion est plusieurs fois tombé en panne. J’ai dû m’adonner à la mécanique pour survivre. Pas d’autre choix que de ménager ma monture : j’espérais aller plus loin que n’importe quel être humain. Ce n’était jamais au-delà de l’horizon, et je n’ai jamais trouvé celui que j’aimais. J’ai eu trente ans… puis quarante… le temps me changea. Je vieillissais vite. Trop vite. Quand je suis retourné en France, je n’ai rendu visite qu’à une seule de mes connaissances. Cette amie avait trois enfants, un mari formidable et une profession très rémunératrice.

Autant dire que j’ai eu l’impression d’avoir raté ma vie. Courir après l’horizon, quelle perte de temps ! Mais j’y suis retournée. La Guyane, le Brésil, le Pérou, l’Australie, je suis remontée en Indonésie, jusque dans le Sud de l’Inde. Mes photographies se comptaient bientôt par centaines de millier. J’envoyais souvent mes clichés sur des sites Internet, qui me les achetaient. Cela me permettait de payer le carburant, les réparations et ma nourriture. Je n’avais rien d’autre à entretenir dans ma vie. Mais où était-il ? « Je m’en vais au-delà de l’horizon ». C’est à cinquante ans que je me mettais à l’évidence. L’horizon est dans les yeux, non dans la réalité ! Alors j’ai lâché les commandes de mon avion. Plus de réparation, plus de voyage, plus d’escapades insensées. L’irréel horizon devant le nez de mon avion, j’ai retiré ma ceinture et suis allée me reposer dans ma couchette, à l’arrière.

« Non, je ne peux pas mourir là… pas maintenant ! » Je me levais rapidement deux minutes après m’être couchée. Les commandes en main, j’ai décidé de retourner en France. J’avais encore une riche famille. Même s’ils n’approuvèrent jamais mon style de vie, je savais qu’ils me pardonneraient. Je n’ai plus jamais volé. Mes photographies se vendaient toujours, ce qui me permettait de vivre comme la plupart des gens. J’ai retrouvé certains de mes amis. Je m’en suis fait d’autres. Tout bascula le jour où je rencontrais une ancienne connaissance. Une personne qui l’avait fréquenté par le passé. Trente ans auparavant, c’était son meilleur ami ! « Je m’en vais au-delà de l’horizon ». C’était son rêve avant de mourir d’une maladie héréditaire. Quand il m’a dit cela, il n’avait que vingt deux ans. Il est mort quelques temps plus tard après avoir parcouru le monde. Jamais il n’avait osé me dire qu’il allait mourir.


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Publié dans Ecriture - art

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